RÉSUMÉ
Source : ANR - Agence Nationale de la Recherche
"Faut-il faire confiance aux différentes productions sur le changement climatique : modélisation numérique du climat, expertises, prospectives ? Au-delà de l’actualité de l’échec de Copenhague et des attaques contre le GIEC, la question de la confiance est centrale dans le problème du changement climatique. Ce projet veut explorer cette question sous divers aspects, en cherchant à expliciter les critères et conditions de sa construction, et à mieux comprendre l’articulation des différents niveaux qui y sont en jeu. Poursuivant une collaboration entamée il y a plusieurs années, le projet réunit deux équipes, l’une de climatologues du Laboratoire de Météorologie Dynamique (LMD-IPSL) qui développent des modélisations du climat et participent à l’étude et l’expertise des changements
climatiques, l’autre de chercheurs en sciences sociales du Centre Alexandre Koyré (centre d’histoire des sciences de l’EHESS) qui étudient depuis une dizaine d’années les pratiques scientifiques de modélisation, l’expertise du GIEC, les négociations et arènes de la gouvernance climatique (COP), et les débats publics autour du changement climatique.
Nous poserons la question de la confiance à plusieurs niveaux : celui de la confiance des climatologues dans leurs procédures de travail, leurs modèles et leurs simulations ; celui de la confiance mutuelle des climatologues et des autres scientifiques; celui de la fabrication de la confiance dans les rapports entre science et décideurs politiques, vis à vis de l’expertise et de ses diagnostics.
Le projet de recherche portera d’une part sur une analyse à la fois scientifique et épistémologique du rôle particulier de la modélisation numérique du climat dans l'établissement de cette confiance. Il s’agira, dans une étroite collaboration entre les climatologues et les chercheurs en sciences sociales, d’expliciter les critères et procédures d'évaluation du niveau de confiance associé à différents aspects des simulations du changement climatique (compréhension des bases physiques des changements simulés, tests observationnels, robustesse des résultats, comparaisons multi-modèles, etc), et de mettre en évidence les choix fondamentaux des approches méthodologiques. Il s’agira également d’analyser les controverses épistémiques entre différentes communautés scientifiques.
D’autre part, dans une étude des rapports entre science, expertise et politique, on cherchera à analyser la fabrique de la confiance au sein de l’expertise du GIEC et le poids de cette expertise et des diagnostics scientifiques dans les négociations sur le climat. On étudiera en particulier les scénarios climatiques, leurs évolutions, et on s’interrogera sur leur statut épistémologique et les notions d’incertitude et de risque qui leur sont liés. On analysera également le rôle de la science dans les arènes climatiques, notamment les relations entre experts et ONG. Par cette recherche, nous voulons contribuer à une meilleure compréhension la conception fondamentale des rapports science-politique qui a présidé à la construction du problème depuis vingt ans."