7 idées reçues qui freinent l’adaptation au changement climatique
« L’homme s’est toujours adapté », « on a le temps »…. Si la prise de conscience grandit sur la nécessité de s’adapter au changement climatique, de nombreuses idées reçues continuent de circuler qui poussent à l’inaction. Or, il est possible et crucial de se préparer dès maintenant au dérèglement climatique.
Idée reçue n°1. « Pas la peine de s’adapter, on arrivera suffisamment à atténuer le changement climatique... »
C’est faux. Quoique l’on fasse, le changement climatique est déjà enclenché : on en voit bien les effets visibles en France et dans le monde : sécheresses, canicules, inondations... Les politiques volontaristes peuvent contenir ces effets mais pas les gommer à court terme.
« Le proche avenir climatique du pays, d’ici à 2050, est pour l’essentiel déjà écrit. Qu’on réduise fortement les émissions globales de gaz à effet de serre ou que celles-ci se poursuivent au rythme actuel, il faudra faire face à une aggravation significative des divers impacts du réchauffement déjà observables" (sénateurs Ronan Dantec et Jean-Yves Roux, 2019).
L’accord de Paris se fixe pour objectif de limiter le réchauffement climatique mondial nettement en dessous de 2°C d'ici 2100. C’est un objectif ambitieux : au rythme actuel, les émissions mondiales de gaz à effet de serre nous conduiraient plutôt à un réchauffement de plus de 3°C d’ici la fin du siècle.
2°C de réchauffement, cela peut paraître peu. C’est en réalité beaucoup : au plus froid de la dernière ère glaciaire, la température n’était que de 4 °C de moins qu’aujourd’hui. C’est pourquoi il faut se préparer dès aujourd’hui aux effets attendus du changement climatique. Des solutions existent. Elles sont à déployer massivement partout sur nos territoires.
L’adaptation au changement climatique, ça veut dire quoi ?
C’est le fait de s’ajuster aux impacts du changement climatique déjà enclenchés et de se préparer à ceux du futur. A ne pas confondre avec l’atténuation qui consiste à limiter l’ampleur du changement climatique, en contenant la température mondiale, grâce à la réduction de nos rejets de gaz à effet de serre. Les deux actions sont indispensables.
Idée reçue n°2. « L’homme s’est toujours adapté. On s’adaptera spontanément ».
Faux. Nous n’avons aucune certitude sur la capacité de notre société et surtout de nos écosystèmes à s’adapter de façon naturelle et spontanée à ces bouleversements. Leur ampleur et leur rapidité est totalement inédite.
La vitesse à laquelle la planète se réchauffe a surpris même les scientifiques.C’est un changement très rapide auquel nous n’avons jamais eu à faire face : plusieurs degrés de réchauffement en moins de 200 ans quand il faut normalement 20 000 ans environ pour passer d’une ère glaciaire à une ère interglaciaire. D’après le GIEC, au-delà d’un certain réchauffement, des seuils irréversibles pour de nombreux écosystèmes marins et côtiers pourraient être franchis. C’est le cas par exemple des récifs coralliens qui disparaîtraient dans leur quasi-totalité avec un réchauffement de 2 C.
Pour autant, nous gardons une marge de manœuvre individuelle et collective pour anticiper ces changements. Mais plus nous attendons, plus nous réduisons notre liberté de choix des moyens et notre capacité à nous protéger, notamment les plus faibles d’entre-nous.
Idée reçue n°3. « Les vrais changements climatiques n’arriveront qu’après 2050, il est donc inutile de s’adapter maintenant. »
Faux encore. Il faut du temps, beaucoup de temps, pour opérer les changements nécessaires en vue de s’adapter. Si l’on ne se prépare pas dès à présent au changement climatique, les dommages et les coûts induits seront bien supérieurs à l’effort d’anticipation.
Le changement climatique n’est pas qu’une question du futur : le climat est déjà en train de changer. Même si certaines années peuvent être moins chaudes, la tendance de fond est celle d’une hausse des températures moyennes, de +1,7 C depuis un siècle pour la France métropolitaine. La fréquence et l’intensité des vagues de chaleur en France est sans équivoque : les vagues de chaleur recensées à l’échelle nationale ont été deux fois plus nombreuses entre 1982 et 2019 qu’entre 1947 et 1981.
Ces changements ont d’ores et déjà des coûts qui pourraient être minimisés en améliorant notre préparation aux impacts du climat actuel. A plus long terme, les conséquences du changement climatique impliqueront des évolutions lourdes, voire des reconversions qui nécessitent de la recherche et développement, de nouvelles compétences et des temps d’apprentissage incompressibles : il s’agit de les anticiper dès maintenant.
« Si l’on ne se prépare pas au changement climatique, il induira des dommages et des coûts bien supérieurs à l’effort d’anticipation" (Plan national d’adaptation au changement climatique). Ainsi, en 2006 le rapport de l’économiste Nicholas Stern évalue le coût annuel de l’inaction entre 5 % et 20 % du PIB mondial, et celui de l’action de 1 à 2 %. Agir tôt coûtera moins cher que si l’on repousse l’échéance.
Pour planifier le moment optimal d’adaptation, il s’agit : ·
- De trouver le meilleur moment pour mobiliser la ressource financière et technique, afin de minimiser les effets du changement climatique à moindre coût. ·
- D’agir au moment où l’action est reconnue comme légitime par les populations et permettra de maintenir un niveau de risque acceptable pour la société.
Idée reçue n°4. « Le changement climatique est plein d’incertitudes, il est donc trop tôt pour s’y adapter. »
NON ! Anticiper le devenir du climat, de la société et du territoire est possible et fructueux dès aujourd’hui. Il y a peu d’incertitude sur ce que sera le climat à horizon 2050, largement déterminé par les quantités de gaz à effet de serre qui ont déjà été envoyées dans l’atmosphère.
Au-delà, le climat futur dépendra principalement de notre capacité à réduire ces émissions. Cette incertitude à long terme ne doit pas nous conduire à retarder l’action, car les grandes tendances du climat futur sont connues et entraîneront des impacts majeurs en France : hausse des températures plus forte que la moyenne mondiale, vagues de chaleur plus fréquentes et plus intenses, précipitations et sécheresses extrêmes, hausse du niveau de la mer, intensification des cyclones.
Plus tôt nous nous préparerons, plus nous aurons le choix des solutions et surtout la capacité pour agir. Par ailleurs, nombre de solutions d’adaptation sont dites « sans regret », c’est-à-dire qu’elles présentent des bénéfices quand bien même l'impact du changement climatique serait inférieur à celui envisagé. Par exemple, valoriser les zones de fraîcheur en ville permet d’améliorer la qualité de vie.
Idée reçue n°5. « Il y aura bien une solution technologique qui nous sauvera ! ».
Faux : croire que seule la technologie réglera le problème du changement climatique est un pari risqué, voire une utopie, estiment les scientifiques du GIEC.
Avions bas-carbone, solutions de captage de CO2, robotisation de l’agriculture... Les solutions techniques ont besoin de plusieurs décennies pour se déployer à l’échelle mondiale. Outre le temps, elles nécessitent des moyens humains, financiers et des ressources considérables. La plupart des technologies d’élimination du CO2 en sont encore au stade pilote et leur potentiel reste à prouver, pour un coût très élevé souligne le GIEC.
S’en remettre uniquement aux ingénieurs ne suffira donc pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les temps. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille abandonner toute recherche et développement d’innovation ni qu'il faille opposer technologie et sobriété. Chaque solution a besoin d’être étudiée au cas par cas pour ses avantages et inconvénients. Mais nous ne ferons pas l’économie d’efforts d’adaptation pour faire face aux changements climatique attendus dans un avenir proche. Nous ne ferons pas non plus l’économie d’un changement radical de modèle pour en limiter l’ampleur à plus long terme.
Idée reçue n°6. « Le changement climatique est global, l’adaptation doit être nationale et internationale »...
Non ! Une approche locale est nécessaire. Oui, le changement climatique est un phénomène mondial, dont les causes nécessitent d’être traitées à l’échelle internationale . Mais il ne s’exprime pas de la même façon dans les différents territoires.
On ne s’adaptera pas de la même façon en montagne, sur le littoral, en ville, à la campagne, au nord ou au sud de la France. Les problématiques seront différentes, les réponses devront l’être tout autant. L’adaptation au changement climatique doit donc être pensée à l’échelle locale, adaptée à chaque situation.
Idée reçue n°7. « S’adapter, c’est baisser les bras, renoncer à lutter contre le dérèglement climatique. »
Surtout pas ! Les deux actions sont tout aussi cruciales et indispensables l’une que l’autre. L’adaptation n’est pas un prétexte pour cesser les efforts d’atténuation. Il faut tout faire pour limiter la hausse de température mondiale. Chaque dixième de degré supplémentaire compte. Il s’agit de « gérer l’inévitable, éviter l’ingérable », selon la formule du climatologue italien Filippo Giorgi.
L’adaptation est clé pour réduire les impacts négatifs du changement climatique mais elle ne suffira jamais à en prévenir totalement les conséquences. Plus la température mondiale augmentera, plus les conséquences seront lourdes. Le GIEC est formel : chaque fraction de degré supplémentaire compte.
Pour stabiliser le réchauffement climatique, il faut donc au minimum arriver à la « neutralité carbone » à échéance désormais rapprochée, ce point où nous émettrons autant de gaz carbonique que la terre est capable d’absorber, notamment au travers de ses puits de carbone à renforcer (sols, forêts, produits bois, zones humides…). C’est l’engagement pris par la France d’ici 2050. C’est ce qu’on appelle la politique d’atténuation.
Adaptation et atténuation forment un tout. Les deux faces d’une même pièce. On doit préparer notre pays à un niveau élevé de température et en même temps, tout faire pour diminuer nos rejets de gaz à effet de serre et limiter l’ampleur du dérèglement. D’autant que nombre de solutions à disposition permettent d’atteindre les deux objectifs à la fois, en particulier toutes celles centrées sur la nature. Par exemple, préserver une zone humide (mare, étang...) permet de limiter l’impact des sécheresses et des inondations et en même temps, de restaurer un puits pour absorber le carbone.