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Submersion marine : à quoi s’attendre et comment s’adapter ?

Avec le changement climatique et la montée des eaux, le littoral français est exposé à des risques accrus de submersion marine. Il est essentiel d’agir pour préserver les habitants et les activités économiques de ce phénomène, encore trop souvent sous-estimé. Son intensification soulève localement la délicate question de la relocalisation des populations et des infrastructures.

1,5

million d'habitants

exposés au risque de submersion marine (Viepublique.fr)

1,3

million de logements

en métropole potentiellement concernés par l’aléa submersion marine (notre-environnement.gouv)

+1

mètre de haut

le niveau moyen que pourrait atteindre la mer d’ici 2100 (GIEC).

Comprendre

De quoi parle-t-on ?

La submersion marine n’est pas un phénomène nouveau. Il s’agit de l’inondation temporaire par la mer, de terres habituellement émergées. Elle se produit lorsque :

  • Le niveau de la mer (statique) déborde sur les terres : on parle de débordement ou surverse.
  • Les vagues remontent au-delà du rivage et /ou projettent des gerbes d’eau : on parle de franchissements.
  • Un élément de protection (comme une digue) rompt, on parle de submersion par rupture.

Les facteurs déclencheurs : les submersions marines surviennent lors du passage d’une tempête ou d’un cyclone : la chute de la pression atmosphérique, la forte houle et le vent de mer (venant du large) font alors monter le niveau d’eau près des côtes. Sur les zones à faible amplitude de marées (Méditerranée, Antilles) le passage d’une tempête ou d’un cyclone produit systématiquement des niveaux d’eau importants ; dans les autres zones, le risque est plus fort seulement lors des grandes marées.

Comment le changement climatique aggrave ce phénomène

La submersion marine est un aléa naturel aggravé par la montée des eaux. En cause, le changement climatique qui provoque :

• La dilatation de l’océan. La température de la mer s’élève : les molécules d’eau prennent plus de place, la mer se dilate et son niveau s’élève.

• La fonte des glaces continentales, glaciers et calottes glaciaires : les apports en eau douce de ces fontes font monter le niveau de la mer.

Cette hausse s’accélère : depuis 30 ans, le rythme a presque doublé et ne cesse de s’accentuer. Le niveau de la mer s’est élevé de 20 cm depuis 1900. Cette hausse favorise la propagation des vagues de forte énergie sur le littoral.

À quoi s’attendre d’ici 2050 et au-delà ?

D’après le Giec, le niveau de la mer continuera d'augmenter pendant des siècles. Cette montée du niveau marin n’est pas homogène sur l’ensemble du globe. Les estimations moyennes actuelles sont de l’ordre de :

  • 30 à 60 cm environ d'ici 2100 selon une hypothèse optimiste.
  • 60 à 110 cm dans un scénario pessimiste d’ici 2100.

Notre capacité à contenir le réchauffement climatique en réduisant nos émissions de gaz à effet de serre influencera ces niveaux.

Pourquoi il est urgent d’agir

Le risque de submersion, accru par la montée des eaux concerne déjà de nombreuses zones du littoral français, dont la plupart des grandes villes portuaires. Les témoignages des tempêtes-submersions passées rendent compte de cette vulnérabilité. Avec le changement climatique, ces événements extrêmes vont augmenter et s’intensifier. Certaines tempêtes-submersions se produisant en moyenne tous les 100 ans pourraient devenir annuelles. Le risque concernera des secteurs jusqu’ici épargnés.
Une part importante de la population est concernée. 10 % des Français habitent sur le littoral qui représente seulement 4 % de la surface du pays. Cette attraction de la façade maritime va se poursuivre : 4,5 millions d’habitants supplémentaires y sont attendus d’ici 2040 (INSEE, 2009). Outre l’exposition des personnes aux risques, de nombreuses activités économiques du littoral se trouveront menacées : notamment celles liées au tourisme et aux zones portuaires (transport maritime et industries pétrochimiques avec, pour celles-ci, des risques d’accidents).

Anticiper les coûts pour les collectivités

Les coûts liés à des catastrophes sont importants. Un exemple ? Le coût total de la tempête Xynthia a été estimé à environ 2,5 milliards d’euros dont 1,5 milliard d’euros pris en charge par les assurances (Cepri, 2016). Ces coûts devraient augmenter à l'avenir : la Caisse centrale de réassurance a estimé en juin 2023, pour un futur scénario de submersion marine majeure sur la côte Atlantique, un montant de dommages entre 3,7 Md€ et 5,8 Md€ (régime Cat Nat), ce qui serait bien supérieur aux conséquences de la tempête Xynthia.

Agir

Préparer le littoral au risque de submersion marine implique de combiner tout un panel de solutions : de sa recomposition spatiale, à la préservation des espaces naturels, jusqu’à des solutions de défense contre la mer. Dans tous les cas, cela passe par une plus grande prise de conscience des populations et des décideurs publics et privés. Compétentes pour gérer les milieux aquatiques, prévenir les inondations et aménager le territoire, les collectivités sont en première ligne pour préserver leur littoral.

Identifier les risques pour son territoire

S’appuyer sur les documents de l’État mais pas que

Dans le domaine des inondations, le préfet peut mettre à disposition toute étude ou information en lien avec l’exposition du territoire : le dossier départemental des risques majeurs (DDRM), les atlas de zones inondables (AZI) ou cartes d’aléa des plans de prévention des risques littoraux, la cartographie du risque issue de la directive inondation dans les territoires à risque d’inondation importants (TRI) réalisée sur les territoires prioritaires.

D’autres éléments élaborés par l’État et/ou les collectivités existent : les études d’aléas hydrogéomorphologiques, les limites des submersions historiques connues, les études d’aléas hydrauliques et de niveaux marins extrêmes, les études de dangers des digues... Cette connaissance mérite d’être prise en compte lors de l’élaboration des documents locaux d’urbanisme ou lors de la délivrance d’autorisations.

Les sites à consulter

• Le site Géorisques répertorie tous les risques naturels et industriels par localité.

• Le site d’alerte météorologique vigilance vagues-submersion de Météo-France permet d’être alerté en cas d’évènement tempétueux susceptible de générer des inondations.

Que dit la réglementation ?

Les outils pour maîtriser l’urbanisme

Le plan de prévention des risques d’inondation (PPRI)

Elaboré par l’État en concertation avec les collectivités, cet outil réglemente la construction des secteurs soumis à des inondations. À partir de la détermination d’un aléa de référence, il impose des règles. Elles vont de l’interdiction de construire, à la possibilité de construire sous conditions, ou l’obligation d’adapter l’existant. Opposable, ce document doit être retranscrit dans les documents d’urbanisme locaux.

Pour prendre en compte le changement climatique, les PPR intègrent une surcote de niveau marin, ajoutée à l’aléa de référence : une première hauteur supplémentaire de 20 cm permet de tenir compte de la montée de la mer à courte échéance, et une seconde, de 60 centimètres, pour l’échéance de 100 ans.

Les documents d’urbanisme

Le code de l’urbanisme impose aux collectivités de prendre en compte l’adaptation au changement climatique et la prévention des risques.

À l’échelle de la région, le schéma de cohérence territoriale (SCoT) pourra ainsi organiser l’aménagement du territoire et l’implantation des enjeux de manière à :

  • Préserver des zones tampon d’atténuation des submersions rapides.
  • Définir des utilisations de l’espace littoral compatibles avec le risque.
  • Fixer les principes à suivre (par exemple, interdire l’implantation en cas de forte vulnérabilité, proposer d’autres types d’implantations, etc.).

À l’échelle de la commune, le Plan local d'urbanisme intercommunal visera à :

  • Réglementer l’implantation des activités et infrastructures en fonction de leur vulnérabilité.
  • Adapter les constructions actuelles et futures.
  • Prendre en compte les ouvrages de protection dans les réflexions d’aménagement.
La délivrance d’une autorisation d’urbanisme

Informé d’un risque, le maire peut émettre des prescriptions ou refuser une autorisation d’urbanisme, si celle-ci porte atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique.

Les autres outils pour gérer le risque

La GEMAPI, pour mieux prévenir les inondations, dont la submersion marine

Depuis le 1er janvier 2018, la compétence gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI) est confiée aux intercommunalités. Elle fait des collectivités locales le premier acteur pour prévenir les risques d’inondations et donc de submersion. Au titre de la GEMAPI, les collectivités peuvent intervenir de façon multiple : portage de stratégies locales de gestion des risques d’inondations et de programmes d'action pour la prévention des inondations (PAPI), mise en place de systèmes d’endiguement, entretien de milieux littoraux tels que les massifs dunaires ou les mangroves, conduite d’études, sensibilisation du public...

Les programmes d’actions de prévention des inondations (PAPI)

Ces conventions contractualisées entre l’État et les collectivités ont pour but d’inciter les collectivités à développer une stratégie globale et intégrée du risque inondation, à l’échelle du bassin de risque, pensée sur le long terme et explicite pour la population. Les PAPI ouvrent droit à une aide du fonds de prévention des risques naturels majeurs (fonds Barnier).

Télécharger : le cahier des charges d’un PAPI

La police du maire

Le maire doit participer à la gestion de crise et organiser les secours en cas d’inondation. Pour s’y préparer il dispose d’un outil : le plan communal de sauvegarde, élaboré par la commune.

Recomposer le littoral, une nécessité

Le risque accru de submersion marine climatique remet en cause l’occupation et l’usage de certains territoires littoraux. Les recomposer est une nécessité pour soustraire progressivement les activités, les biens et les personnes de ces menaces. Cette recomposition peut s’envisager comme une opération d’aménagement dont la réalisation peut s’étendre sur plusieurs années, voire des décennies. Le maintien temporaire d’ouvrages de protection peut alors permettre d’organiser dans le temps ce repli.

Les solutions douces, fondées sur la nature, pour préserver des barrières naturelles

Les espaces naturels du littoral jouent un rôle pour amortir la houle à la côte, stocker des volumes d’eau entrants. Il est important d’analyser leurs fonctionnalités. Leur préservation constitue de vrais atouts pour protéger le littoral.

Les solutions fondées sur la nature visent à restaurer ou protéger des écosystèmes dégradés qui agissent naturellement comme des barrières de protection du littoral : les barres sableuses, les plages, les dunes, les herbiers, les mangroves et les récifs coralliens.... Ces solutions répondent, de plus, à d’autres enjeux : amélioration de la qualité de l’eau, préservation de la biodiversité, captage de carbone...

Les solutions de défense, un palliatif parfois indispensable : digues, épis, brises-lames…

Construire ou conforter des ouvrages de protection (digues, épis, brise-lames, , etc.) est une option de plus en plus contestée. Ces systèmes génèrent une fausse sensation de parfaite sécurité, alors qu’aucun ouvrage n’est infaillible à 100 % (il existera toujours une tempête auquel un ouvrage ne saura résister, faute d’un dimensionnement suffisant). De plus, avec le changement climatique, ces ouvrages affronteront de plus en plus d’intempéries, ce qui augmentera leurs coûts d’entretien.

Mais, face au risque de submersion marine, ils restent parfois la seule option envisageable du fait de contraintes locales. Ils peuvent alors être installés de façon transitoire, le temps de relocaliser les activités et habitats menacés. Choisir de construire, maintenir ou de renforcer un ouvrage de protection est dans tous les cas un choix complexe, engageant pour la collectivité, sans garantie de sécurité absolue.

Sensibiliser les populations

Renforcer la culture du risque, mieux faire connaître les risques locaux de submersion, les moyens d’y faire face, est essentiel. Cela peut se traduire par des actions de sensibilisation du public (exposition, land-art, exercice d’inondation, jeu éducatif, repère de crue...), de sciences participatives ou « citoyennes », d’information des professionnels (via les chambres consulaires par exemple), ou d’ateliers éducatifs à l’école.

Lire aussi : La protection du littoral, quelle stratégie face aux risques climatiques

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