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Eau : comment gérer la crise qui s’annonce ?

Va-t-on manquer d’eau en France ? Et sera-t-elle toujours de bonne qualité ? Inenvisageable, il y a peu, la question devient préoccupante au vu des sécheresses qui se multiplient avec le changement climatique. C’est un fait, la crise de l’eau s’annonce structurelle dans notre pays et devient un sujet éminemment stratégique. Comment s’y préparer aux mieux,  au-delà de la gestion des situations d’urgence ?

La Maulde qui alimente le lac de Vassivière et se jette dans la Vienne en amont de Saint-Léonard-de-Noblat.

-14 %

d'eau en France

venue du ciel et des cours d'eau des pays voisins ces deux décennies (source : étude du ministère de la Transition écologique).

1 sur 5

litre d'eau perdu

en raison de fuites dans les réseaux de distribution d’eau potable.

1%

d’eau usée réutilisée

La France est aux derniers rangs des pays européens. Objectif : passer à 10% d'ici 2030.

Comprendre

Comment le changement climatique va impacter notre consommation d’eau

  • Le manque d’eau : l’eau que la France reçoit du ciel et des cours d'eau de ses voisins a baissé de -14 % sur les deux décennies passées (source : étude du ministère de la Transition écologique).  A force d'accumuler les canicules et les sécheresses, la France voit se tarir son capital d'eau naturelle. Aujourd’hui la sécheresse ne se limite plus au pourtour méditerranéen. Tous les départements sont potentiellement concernés.
  • L’eau du robinet est de moins bonne qualité : la baisse du niveau des nappes favorise la concentration de composés polluants (sélénium, fluor, arsenic, sulfates) dans certaines configurations hydrogéologiques. De plus, les faibles débits dans les canalisations ou la hausse de la température de l’eau au cours de son transport peuvent développer des bactéries, transférer des molécules des matériaux en contact avec l’eau, etc. Cela peut obliger les exploitants des réseaux à suspendre la consommation d’eau potable jusqu’au retour à la normale.

Outre-mer : la crise est déjà là !

Rien à voir avec l'hexagone... En outre-mer, la crise de l'eau prend des proportions bien plus fortes, parfois dramatiques. A Mayotte, l'eau courante est coupée deux jours sur trois depuis plus de six mois. Dans ces territoires, le prix de l'eau va du simple au triple. Si les territoires ultra-marins peuvent afficher des situations hétérogènes, tous partagent une même difficulté : l'approvisionnement en eau potable y est insuffisant. Les raisons ? Sécheresse accentuée, déforestation, mauvais entretien du réseau de distribution, problèmes de gouvernance...

Qui gère l’eau dans notre pays ? Le rôle des agences de l’eau

En France, les ressources en eau sont gérées par bassins hydrographiques, délimités par les lignes de partage des eaux de surface. On compte 12 bassins : Adour-Garonne, Artois-Picardie, Loire-Bretagne, Rhin-Meuse, Rhône-Méditerranée, Corse et Seine-Normandie en métropole, Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion et Mayotte en outre-mer. Pour chacun, un comité de bassin arrête les grandes orientations nationales et européennes. Celui-ci se compose à 40 % d’élus des collectivités (communes, départements, régions) ; 40 % de représentants des usagers de l’eau (industriels, agriculteurs, associations de défense de l’environnement, de pêche, de consommateurs...) ; 20 % de représentants de l’État.

A l’échelle de chacun, une agence de l’eau (offices de l’eau en outre-mer) finance la politique de l’eau, agit pour concilier les usages, le développement économique et le respect de l’environnement et précise un plan d’adaptation au changement climatique. A travers leur 11ème programme d'action 2019-2024, les agences de l'eau ont prévu de consacrer 500 M€ par an à des opérations d'adaptation au changement climatique.

D’où vient l’eau que nous consommons en France ?

Tout dépend de l’usage que nous en faisons. En grande majorité, l’eau vient des fleuves, rivières et lacs (dits « eaux de surface »), généralement plus faciles et moins chères à prélever. L’eau potable, en revanche, provient des eaux souterraines, moins polluées, prélevées à partir de 35 000 points de captage. Excepté dans les grandes villes, où les collectivités ont les moyens de traiter efficacement les eaux de surface pour faire face à la demande élevée.

Agir

Quelles solutions pour gérer le manque d’eau en France ? Réparer les fuites de canalisations, explorer de nouvelles pistes comme ré-utiliser les eaux usées, s’entendre pour prioriser nos usages, changer nos gestes au quotidien… C’est bien toute notre façon de gérer l’eau qui est à revoir dans notre pays, si on veut préserver ce qui est devenu notre bien le plus précieux, l’or bleu.

La stratégie nationale pour pallier les pénuries d’eau

Annoncé mars 2023, le plan Eau prévoit 53 mesures pour économiser l'eau. Objectif : -10 % d’eau prélevée d’ici 2030. Parmi les mesures prévues :

  • Résorber en urgence les fuites du réseau.
  • Réutiliser 10 % des eaux usées d’ici 2030, contre moins de 1 % actuellement.
  • Mettre en place une tarification progressive et responsable de l’eau
  • Installer un « EcoWatt de l’eau », sur le modèle de l’outil initié pour réduire la consommation d’électricité.

Consultez l’intégralité des mesures du plan Eau

Augmenter l’offre : réparer les fuites du réseau, réutiliser l’eau, renaturer…

Résorber les fuites

En France, un litre d’eau sur cinq est perdu en raison de fuites dans les réseaux de distribution d’eau potable, et dans 170 communes, un litre sur deux. L’une des premières choses à faire pour les collectivités est donc de veiller à réparer en urgence leur réseau.

Miser sur la nature pour stocker naturellement l’eau

C’est l’une des meilleurs solutions face à la sécheresse : laisser un maximum de place à la nature et restaurer son fonctionnement naturel. En bon état, elle stocke naturellement l’eau. Plusieurs solutions d’adaptation fondées sur la nature, expérimentées par les collectivités, ont ainsi démontré leur efficacité  :

  • Restaurer les zones humides : marais, tourbières, lacs, étangs, mangroves, prairies humides..., ces milieux agissent comme des éponges : en cas de pluie ils absorbent l’eau, limitant ainsi leur ruissellement et donc les inondations. En période sèche, ils relâchent l’eau peu à peu, alimentant les nappes souterraines et les cours d’eau. Un mètre cube de tourbière peut stocker jusqu’à 700 litres d’eau !
  • Restaurer l’hydromorphologie des rivières : nombre d’entre-elles ont vu leurs méandres supprimées à partir des années 50. Ces rectifications artificielles les ont souvent coupées de leurs zones d’expansion de crue et de leurs nappes phréatiques. Les cours d’eau s’écoulent plus vite vers la mer, leur débit d’étiage (débit minimum) baisse. La solution ? Rendre aux rivières leur tracé naturel et les reconnecter à leurs nappes.
  • Maintenir l’humus des sols : très riche, cette couche supérieure des sols aide à maintenir l’humidité du sol et sa capacité à infiltrer l’eau. Dans les jardins, les champs, les forêts... Il est crucial de la protéger par toutes sortes d’actions : cultiver sous couvert végétal, éviter de terrasser, piétiner ou labourer, couvrir les plants et les semis, préserver les haies ou encore pratiquer l’agroforesterie…
  • Renaturer les villes pour mieux infiltrer l’eau de pluie là où elle tombe : en ville aussi, on peut agir contre la sécheresse en augmentant le pouvoir d’infiltration du sol. Désimperméabiliser les sols bitumés ; végétaliser les rues, les places ; augmenter la fertilité du sol grâce à une dense végétation… toutes ces actions contribuent à recharger les nappes d’eau souterraines et à soutenir les débits des cours d’eau en été.

Les collectivités ont le pouvoir d’agir : à travers leurs documents d’urbanisme, les maires peuvent répertorier leurs zones humides ou naturelles pour ensuite les préserver  : par exemple interdire toute nouvelle construction sur ces zones, acheter ces terrains pour les valoriser.

Utiliser les eaux « non conventionnelles » : eau de pluie, eau usée…

Le terme « eaux non conventionnelles » désigne toutes les eaux non récupérées par l’homme. Cela recouvre un large spectre : eaux usées traitées en station d’épuration, eaux de pluie (récupérées en aval des toitures, ruisselant sur les voiries) ; « eaux grises » sortant des douches, lave-linges et lavabos ; eaux issues de process industriels ; etc. Il est possible de recourir à ces eaux pour des usages adaptés à leur qualité, à l’échelle d’une maison, d’un bâtiment, d’une usine, d’une ville. Mais attention, cela ne permet d’économiser l’eau que si cela vient remplacer et non s’ajouter aux prélèvements déjà en cours.

Parmi les eaux non conventionnelles, l’État encourage la réutilisation des eaux usées traitées (REUT). Objectif national : réutiliser 10 % des eaux usées d’ici 2030, contre moins de 1 % actuellement. 1 000 projets seront lancés en cinq ans pour recycler et réutiliser l’eau (plan Eau national). Cette solution est très développée dans des pays comme Israël ou l’Espagne. En zone littorale, là où les stations d’épuration des eaux usées rejettent directement en mer, elle s’apparente à une mesure d’adaptation sans regret car elle permet de donner une une nouvelle vie à l’eau douce, produite en grande quantité en période de tourisme estival. Pour appuyer cet objectif, le 30 août 2023, un décret vient simplifier les procédures de réutilisation des eaux usées traitées (REUT), en élargissant leur usage, jusque-là limité à l’irrigation agricole et à l’arrosage de golfs (avec les espaces verts). Désormais le lavage de voirie, l’hydrocurage des réseaux mais aussi la recharge de nappe phréatique pourront en bénéficier.

Limiter la demande : tous responsables pour réduire notre consommation d’eau

Préserver la ressource eau, c’est l’affaire de tous. Les collectivités ont leur rôle à jouer sur deux plans. Elles peuvent veiller à limiter leur propre consommation d’eau, notamment en optimisant l’arrosage des espaces verts publics. Elles peuvent aussi inciter leurs administrés, professionnels et particulier à limiter leurs usages.

Les économies d’eau dans l’agriculture sont particulièrement encouragées car ce secteur est très consommateur. Entre juin et août, 80 % de l’eau est consommée par l’agriculture. La réponse au changement climatique nécessite donc un nouveau modèle agricole, plus économe en eau et protecteur des sols : amélioration du matériel d’irrigation, changement de pratiques, choix de cultures moins consommatrices d’eau. Par exemple, les légumineuses, racines et tubercules consomment beaucoup moins d’eau que le maïs qui demande une grande quantité d’eau à une période de l’année où la ressource est la moins abondante. Limiter l’irrigation à « la bonne dose au bon moment » permet par endroit de diminuer la consommation de 30 %.

Au-delà, chacun d’entre nous peut maîtriser sa consommation d’eau grâce à des gestes du quotidien : privilégier les douches, installer des équipements sanitaires économes en eau, faire fonctionner les appareils de lavage à plein, réutiliser l’eau de pluie etc, comme le rappelle cette page web gouvernementale.

Et la pollution ? Comment préserver la qualité de l’eau ?

Les pistes ? Réduire les rejets potentiellement polluants d’où qu’ils viennent et de préférence à la source ; améliorer le traitement des eaux usées avant leur rejet dans les cours d’eau ; ou encore développer les solutions fondées sur la nature. Par exemple, rendre aux cours d’eau leur tracé naturel ou mettre en place des ripisylves (les boisements qui bordent les cours d'eau) qui contribuent à réguler la température de l’eau et à la dépolluer.

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Le changement climatique a des conséquences sur le cycle de l’eau, en raison plus particulièrement de l’augmentation des températures et de la variabilité plus grande des précipitations.

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