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Adapter nos territoires au nouveau climat : comment s'y prendre ?

Le changement climatique est déjà en train de modifier en profondeur nos territoires. S'adapter à ces évolutions est devenu une nécessité. Oui, mais comment faire? Comment en limiter les effets négatifs ? Comment en tirer parti et profiter d'éventuelles opportunités ? Une grande partie de l’adaptation reposera sur les collectivités. Anticiper, telle est la clé.

S’adapter : une affaire locale et systémique

Les impacts du changement climatique vont fortement varier d’un territoire à l’autre. Vagues de chaleur, pluies extrêmes et autres aléas climatiques entraîneront des conséquences différentes selon: le milieu (présence d’espaces agricoles, villes, forêts… ), le type de population (personnes âgées, fragiles…), les infrastructures (réseaux de transports), la vie économique... Ces effets interrogeront les conditions de maintien des services publics de la collectivité (école, accès aux soins, voiries…). Pour tenir compte des réalités du terrain, il s’agit donc de penser l’adaptation au changement climatique à l’échelle locale

Des effets multiples et en cascade

Il s’agira de comprendre toutes les conséquences du changement climatique sur l’organisation de la collectivité et le territoire. Par exemple, sur :

  • Les activités économiques : existe-t-il des activités fortement dépendantes de la ressource en eau (agriculture, agroalimentaire, papeterie, production de bois), menacées en cas de sécheresse ? Etc. Mon territoire verra-t-il le tourisme décliner (en raison des vagues de chaleur, du déneigement des stations de montagne) ? Ou au contraire se développer (refuge de fraîcheur en été).
  • Les réseaux (transports, distribution d’eau et d’énergie, déchets...) : les trains pourront-ils continuer à fonctionner si les inondations ou les canicules dégradent les voies ? Quelle adaptation en termes d’organisation ?
  • Le coût économique d’un événement climatique : combien d’administrés verront-ils leur maison dégradée par les phénomènes de retrait-gonflement des argiles ? Comment les soutenir ?
  • La santé : quelle est la part de la population âgée, isolée ou fragile nécessitant un appui spécifique lors des canicules ?
  • L’urbanisme : en quoi ma ville présente-t-elle un risque de surchauffe ? Où se situent les îlots de chaleur urbains ?
  • L’eau : les nappes souterraines seront-elles assez alimentées ? Comment organiser le partage de l’eau ?
  • Etc.

Un aléa climatique peut engendrer une succession d’effets. Par exemple, une inondation peut dégrader les réseaux routiers et, par conséquent, perturber d’autres services : les secours, les transports de marchandises, etc.

Engager une démarche structurée : diagnostic, action, évaluation

L’objectif d’une stratégie d’adaptation ? Réduire l’exposition et la vulnérabilité des populations, des territoires, des activités économiques aux aléas climatiques et maximiser les éventuels effets bénéfiques du changement climatique. La démarche est progressive et respecte 3 grandes étapes.

1. Poser un diagnostic solide

A ce stade, il s’agit de faire un état des lieux poussé du risque climatique pour en saisir les enjeux locaux. Le but : disposer d’une photographie à l’instant T du territoire face aux impacts climatiques et appréhender les futurs possibles.
Ce diagnostic se base sur une analyse approfondie de la vulnérabilité du territoire, de ses forces et de ses faiblesses. Cette analyse est multi-sectorielle et transversale : il est nécessaire d’explorer tous les champs d’impacts potentiels pour le territoire. Tous les secteurs d’activités peuvent être touchés, isolément ou en cascade.
Le registre des données à appréhender est donc très large : nombre de jours de canicule, impacts (surmortalité…), capacité d’adaptation (existence d’un plan canicule…). Au-delà des aléas climatiques, des éléments sans lien apparent avec le climat seront questionnés (âge de la population, niveau de vie, aménagement du territoire…).

En pratique, le diagnostic de vulnérabilité peut se réaliser en 3 temps :

  • connaître le passé : inventorier les impacts des événements météorologiques récents et historiques, les actions déjà menées, les contraintes et handicaps ;
  • étudier l’avenir sur la base des projections climatiques futures ;
  • établir des niveaux de vulnérabilité.

Idéalement, cette nouvelle lecture du territoire est participative, dans sa production, sinon dans son analyse et son partage. Plus un diagnostic est partagé, plus il sera facile d’élaborer des solutions où chacun prendra sa part.

Mobiliser la collectivité et les acteurs du territoire

Pour démarrer, il importe de mobiliser en interne les services et les élus, mais aussi, plus largement, les habitants et les acteurs socio-économiques du territoire. Cela suppose de construire en amont un argumentaire solide et compréhensible par tous, à partir des constats scientifiques, et des retours d’expérience de terrain. Il sera un socle percutant pour défendre des idées, des politiques locales d’adaptation.

Se rapprocher des GIECS locaux

Les rapports du GIEC restent peu exploitables pour des élus locaux, qui peuvent désormais s’appuyer sur des Giec locaux. Le but de ces structures : décrypter ce qui se joue à l’échelle du territoire pour éclairer les décisions par la science et agir efficacement. Presque toutes les régions en sont désormais pourvues :
AcclimaTerra (Nouvelle-Aquitaine) ; Grec-Sud (PACA) ; Reco ( Occitanie) ; Grec – Alpes – Auvergne ( Auvergne – Rhône-Alpes) ; Climibio-Cerdd (Hauts-de-France) ; Groupement Guadeloupe ; Grec francilien ; Giec – Normandie ; Haut Conseil breton pour le climat ; Giec – Pays de la Loire.

2. Construire un plan d’action

A partir de ce diagnostic vont émerger de nombreuses mesures d’adaptation et d’opportunités à saisir. Ce ne seront pas toujours des solutions simples et faisant l’unanimité. Différents scénarios seront à explorer : sur la manière d’aménager le territoire (continue-t-on à aménager dans des zones inondables ?) ou d’organiser l’économie (doit-on accompagner une évolution des métiers, des cultures ?). Il s’agit ensuite d’identifier les priorités : quelles actions sont les plus urgentes face à des impacts imminents ? Quelles solutions, bien que n’ayant des conséquences qu’à très long terme, nécessitent de faire des choix dès maintenant ? Une évaluation coûts-bénéfices peut venir en appui de cette phase.

3. Evaluer la stratégie d'adaptation

Les impacts du changement climatique varient dans le temps et selon le lieu. Votre adaptation doit rester itérative et s’ajuster au gré des besoins et de l’évolution des connaissances. Evaluer la démarche d’adaptation au fil de son déploiement est ainsi fondamentale.

Les différents types d’action

« Sans regret », pour faire face, ou transformer ?

  • Les actions dites sans regret présentent des co-bénéfices multiples, quel que soit le climat futur. Par exemple, réparer les fuites des réseaux d’eau permettra de réaliser des économies d’eau ; végétaliser les rues offrira fraîcheur et bien-être à la population. De nombreuses actions sans-regret peuvent ainsi d’ores et déjà être mises en œuvre par les collectivités.
  • Les actions pour faire face : réactives, elles relèvent de l’ajustement et s’inscrivent dans le système en place (arrosage, brumisateurs face aux vagues de chaleur, par exemple).
  • Les actions pour transformer : dans certaines situations, il sera nécessaire de transformer en profondeur le territoire, de façon structurelle : par exemple recomposer le littoral en relocalisant certaines activités trop exposées aux risques de submersion marine ou repenser l’offre économique de stations de montagne face à la baisse de l’enneigement.

Gris, doux ou vert ?

On distingue également :

  • les actions grises (dites aussi «dures ») qui mobilisent l’ingénierie lourde (ex : ouvrages de gestion d’eau, rénovation du bâtiment) ;
  • les actions douces qui relèvent de réponses financières, politiques (ex. : évolution des normes de construction) ;
  • les actions vertes qui s’appuient sur la nature et le bon fonctionnement des écosystèmes (ex. : végétaliser une place pour rafraîchir).

7 conseils pour bien lancer sa stratégie d’adaptation

  • Penser large : les actions d’adaptation croisent différents secteurs (aménagement, eau, forêts ;..) et nécessitent une approche transversale et donc un portage fort au plus au niveau politique de la collectivité (maire de la commune par exemple).
  • Communiquer, partager : la réussite d’une politique d’adaptation au changement climatique dépend en grande partie de son acceptation par la population et les acteurs privés. Il est essentiel de diffuser largement informations, études et rapports sur le changement climatique .
  • Anticiper : confronter, dès leur conception, les projets de développement au climat futur du territoire permet d’intégrer en amont d’éventuels ajustements et de limiter les coûts futurs.
  • Dédier des moyens budgétaires et humains à la hauteur : réinterroger tous les investissements de la collectivité sous le prisme d’un climat qui change ; intégrer l’adaptation dans les dépenses structurantes ; mobiliser des budgets spécifiques pour s’assurer que les actions planifiées seront bien mises en œuvre; y dédier du temps et des moyens humains. Faire évoluer les pratiques, engager des restructurations demande avant tout du temps pour animer, piloter, faire de la pédagogie et de l’expertise.
  • Anticiper les conflits d’usage : élus et techniciens seront confrontés à des tensions et des conflits d’usage, notamment sur le sujet des sols et du foncier. La question du « meilleur compromis » pourra être débattue.
  • Eviter la mal-adaptation : le GIEC la définit comme une action pouvant entraîner un risque accru de résultats négatifs liés au climat. Elle en est une conséquence involontaire. Exemple : la climatisation. Si elle apporte une solution immédiate de rafraichissement, elle aussi une source de chaleur supplémentaire dans la ville.
  • Accepter de cheminer : sans doute le plan d’action sera-t-il amené à évoluer...

Pour chaque étape, des outils et méthodes éprouvés

Comment rentrer dans le sujet ? Sensibiliser les équipes ? Où trouver des données sur les risques climatiques selon chaque région? Comment diagnostiquer la fragilité de son territoire? Engager une démarche globale d’adaptation ? Etc. Les collectivités disposent de plus en plus d’outils et de méthodes éprouvés leur permettant de bâtir leur stratégie face au changement climatique.

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