Dialoguer pour convaincre : l'exemple du Bocage bourbonnais avec la plantation des haies
Depuis trois ans, ce petit territoire rural a engagé une stratégie pour s’adapter au changement climatique, aux sécheresses en particulier. Expliquer, tester et partager les retours d’expérience … c’est par l’échange que les pratiques évolueront, la Collectivité en est sûre. Exemple avec la replantation des haies, une solution d’adaptation qui fait débat.
Fiche d’identité
Territoire : Communauté de communes du Bocage Bourbonnais.
Objectif : améliorer la résilience du territoire au changement climatique en restaurant et en préservant le paysage bocager, tout en renforçant la biodiversité et en soutenant l'agriculture durable locales.
Dates clés :
2021 : adoption du Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET), définissant une stratégie de long terme d’adaptation climatique.
Décembre 2021 : lancement d'une opération de replantation de haies à Vieure avec 600 mètres linéaires replantés.
2022 : la Communauté de communes devient lauréate du programme TACTT initié par l'ADEME.
Lire :
Retour d’expérience la haie au cœur de l’adaptation du bocage bourbonnais
Dans le bocage bourbonnais, en Auvergne-Rhône-Alpes, le changement climatique et ses effets sont de plus en plus visibles. « Depuis plusieurs années, les maisons traditionnelles en pierre, montées sans fondations, s'écartent et s'abîment, les chemins se dégradent » s’inquiète Gérard Vernis, maire de Franchesse et vice-président à la communauté de communes du Bocage bourbonnais en charge des transitions agricoles et environnementales. En cause : le retrait gonflements des argiles. Mais surtout, les terres agricoles sont touchées par le manque d’eau et le manque de fourrage alors qu’elles représentent près de 80 % du territoire. L’été, les températures peuvent dépasser les 40° et mettre les bêtes en stress hydrique.
Prendre le temps de susciter des prises de conscience
Face à ce constat, point de fatalisme pour la petite communauté de communes rurale, qui rassemble 25 communes et seulement 14 000 habitants. Le territoire a choisi d’entrer dans la démarche TACTT (Trajectoires d'Adaptation au Changement Climatique des Territoires) portée par l’Ademe en 2022. Cette démarche met autour de la table les politiques, les agriculteurs, les associations, les citoyens. « Avec le diagnostic des vulnérabilités, on a pu croiser nos regard sur la base d’observations terrain et de données fiables. Pour construire aujourd’hui notre plan d'actions, on reprend la même démarche » témoigne l’élu. Créer des temps de partages, tester et convaincre par l’expérience, George Vernis en est persuadé, c’est par l’échange que les pratiques évolueront. La preuve en est avec la replantation des haies.
Comment faire des haies, un atout et non une contrainte
Cette solution a été retenue en raison de ses multiples bénéfices : la haie brise les vents, évite l’érosion du sol et régule l’eau via ses racines. Elle limite aussi les crues, favorise la biodiversité en servant d’habitat et de garde-manger. L’idée a donc émergé de revenir à ce qui fonde l’identité bocagère du territoire et de replanter ces haies qui avaient quasiment disparu du paysage français, depuis l’agriculture intensive. Seulement voilà, les arguments écologiques portent peu auprès des agriculteurs, les premiers concernés. La raison : les haies sont d’abord perçues comme des contraintes qui demandent traditionnellement un entretien supplémentaire.
« Tous les agriculteurs ne sont pas sensibles à l’aspect écologique », explique Georges Vernis, lui-même agriculteur engagé. « C’est souvent plus facile d’engager la discussion sur l’aspect économique ». Sont alors mis en avant tous les avantages de la replantation des haies pour l’activité agricole (refuge pour les chauve-souris ou les oiseaux qui chassent les nuisibles, ombrage pour le bétail...) ou comme revenu d’appoint avec à la revente du bois.
Pour conseiller les agriculteurs dans leurs pratiques, la communauté de communes s’appuie sur plusieurs associations spécialisées (comme Symbiose Allier, la fédération des chasseurs ou Mission Haie. Outre l’appui technique (sur le choix des essences à planter, la gestion du bois…), ces associations mènent un travail pédagogique pour lever les idées reçues. Dans les esprits, une haie bien tenue, c’est une haie coupée au carré, à un mètre de hauteur. Mais la haie ne nécessite pas un tel entretien. Au contraire, trop courte, elle perd ses propriétés, notamment l’effet brise-vent et l’ombrage. Aujourd’hui, le message commence à passer.
« Notre rôle en tant que collectivité, c’est d’organiser des rencontres entre les agriculteurs et ces associations et des retours d’expérience. C’est important d’échanger entre nous sur ce qui marche ou non. On ne sait pas ce que ça va donner ! »
Concernant les essences à planter, la collectivité soutient la création d’une pépinière locale dans le cadre du programme « Territoire zéro chômeur de longue durée ». Ce qui évitera de recourir aux plants des départements limitrophes.
Un engagement à toutes les échelles
La stratégie d’adaptation du bocage bourbonnais ne s’arrête pas là. « Il y a bien d’autres actions à mener, par exemple entretenir les canalisations pour éviter les fuites d’eau, sensibiliser aux économies d’eau. Même si certaines décisions doivent se prendre à une échelle plus large pour être efficaces. C’est le cas pour l’eau ». Et Georges Vernis de conclure « C’est parce que tout le monde se met à agir que nous arriverons à relever les défis en termes de ressources en eau et de changements des pratiques agricoles ». Aujourd’hui, la dynamique est lancée.