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Montée des eaux et inondations, le choix osé de la Saâne : reconnecter le fleuve à la mer

Dans la basse vallée de la Saâne, en Normandie, plutôt que de multiplier les aménagements pour se protéger des risques d'inondations et de submersion, les acteurs locaux ont fait un choix audacieux : recréer l'estuaire d'origine. Un projet inédit qui pourrait bien servir de modèle pour d'autres territoires côtiers confrontés aux défis du changement climatique.

Fiche d’identité

Calendrier du projet : 2021-2050

  • 2021-2024 : délocalisation du camping et construction du nouveau camping et de la nouvelle station d'épuration
  • 2024-2026 : travaux de reconnexion de la Saâne à la mer
  • 2025-2050 : suivi et études scientifiques sur le projet et son évolution

Acteurs : 

  • communes de Longueil, Quiberville-sur-Mer et Sainte-Marguerite-sur-Mer, communauté de communes du Terroir de Caux, Syndicat Mixte des Bassins Versants Saâne Vienne Scie, Établissement Public Foncier de Normandie, agence de l’eau Seine-Normandie, Département Seine-Maritime, Région Normandie, Conservatoire du littoral, PACCo (programme européen)>

Coûts (estimations)

  • Reconnexion de la Saâne : 6,5 millions d’euros (hors foncier)
  • 90% financé par l’agence de l’eau Normandie
  • 10% par le Syndicat Mixte des Bassins Versants Saâne Vienne Scie
     
  • Relocalisation du camping : 8,6 millions d’euros (hors foncier) financé à 69% par le programme européen PACCo (Promouvoir l'adaptation aux changements Côtiers)

  • Station d’épuration de Longueil : 11 millions d’euros (hors foncier), dont 45% financé Agence de l’eau Seine-Normandie et 25% programme européen PACCo

Pour en savoir plus : le dossier de presse Basse-Saâne 2050. 

Depuis des décennies, la vallée de la Saâne connaît des inondations à répétition. Le problème ? Le tuyau qui permet aujourd’hui aux eaux de la Saâne de se jeter dans la Manche est trop étroit. " Le débit de l'épi-buse est de 8 m³/seconde, alors qu'en temps de crue, le débit atteint 80 m³/seconde ", explique Laurent Topin, directeur du Syndicat Mixte des Bassins Versants Saâne Vienne et Scie (SMBVSVS), en charge du projet de reconnexion. À cela s’ajoutent l’urbanisation de la basse vallée depuis les années 1950 dans une zone déjà inondable, ainsi que les submersions marines de plus en plus fréquentes avec la montée des eaux de la Manche.

Diviser par deux les risques d’inondation et de submersion

Le projet Basse Saâne 2050* propose une solution radicale face à cette situation : reconnecter la Saâne à la mer en recréant un estuaire où les eaux douces et salées se mêleront. Pour ce faire, il est nécessaire de détruire l’épi-buse (qui sera remplacé par un pont en 2025) et de déplacer le camping historique de Quiberville-sur-Mer (2023-2024) afin que le fleuve retrouve un lit plus naturel.
La Saâne pourra ainsi se déverser plus rapidement dans la mer en cas de crue, et la mer remontera dans la basse vallée en cas de submersion ou de fortes marées. Les bénéfices attendus sont nombreux. " On devrait diviser par deux les risques d'inondations ou de submersion, et surtout leur durée ", annonce Laurent Topin. En 1999, une crue avait duré 15 jours, avec des conséquences dramatiques pour les bâtiments et les infrastructures. Avec le nouveau système, les submersions ne devraient pas dépasser 2 à 3 jours.

Transformer les paysages, la biodiversité et les usages

Ce projet va non seulement permettre de limiter les risques d’inondation, mais il aura également un impact plus profond sur le territoire, en transformant les paysages et la biodiversité. " Avec la ré-estuarisation de la Saâne, nous allons créer des zones de repos pour les poissons et les oiseaux, un peu comme dans la Baie de Somme ", explique le directeur du syndicat. Les paysages changeront, laissant place à des prés-salés. De nouvelles espèces s’installeront. 

Mais cela prendra du temps. " Il faudra attendre 3 à 5 ans avant de voir les effets de ces transformations ", prévient-il. " Pendant cette période, cela va être lunaire, boueux, peu structuré. On se prépare à entendre des commentaires du type " rien ne pousse, ça ne sent pas bon…" de la part des habitants, même si le projet est connu et que nous avons beaucoup communiqué. Mais avec le végétal, on sait qu'on travaille avec du vivant. " Les activités agricoles à proximité de la Saâne devront également s’adapter, bien que tout ne soit pas encore certain. " On ne sait pas à quelle vitesse la salinisation des terres va se produire dans les années à venir. Y aura-t-il un point d’équilibre ? À quel point les activités agricoles pourront-elles se maintenir ? " Le projet fera l'objet d’un suivi rigoureux pour identifier les bonnes et ajuster les mauvaises pratiques et accompagner les agriculteurs dans une reconversion si nécessaire.

Donner les moyens au territoire de s’adapter

Si le projet est lancé, " il a été long, très long à voir le jour ", reconnaît Laurent Topin. Près de 10 ans de préparation, sans compter les autres projets envisagés depuis les inondations de 1999. " Nous avons réussi à mettre autour de la table tous les acteurs, et toutes les options ont été envisagées. " L’Europe et l’Agence de l’eau de Normandie ont apporté les fonds manquants pour financer le projet dans son intégralité. Avec la simplification réglementaire, le financement reste le nœud de ce type d’opération. " Il faut des outils financiers fléchés sur le moyen terme ", plaide-t-il. " Il faut donner les leviers financiers aux collectivités locales, qui seront à la manœuvre pour anticiper les effets du changement climatique. Sinon, à chaque fois, il faudra attendre une catastrophe pour réagir. " Et Laurent Topin de conclure : " Il a fallu beaucoup de ténacité pour ce projet. Mais aujourd’hui, nous n’avons plus le temps d’attendre ".

*Le projet Basse Saâne 2050 comporte trois chantiers prioritaires : la connexion de la Saâne à la mer avec la restauration du cours de la Saâne mais également la construction de la station d’épuration de Longueil, la création à Quiberville d’un nouveau camping pour remplacer celui qui était dans la zone inondable.

Avant/Après

Futur tracé de la Saâne : une zone humide est créée, le camping, déplacé. Le fleuve retrouve son lit naturel avec ses méandres.

L'épi-buse actuel va être supprimé.

A la place, un pont sera créé en 2025

Type de contenu
Reportage
Cible
Élu
Technicien de collectivité
Acteur économique
Bureau d'études
Thématique
Biodiversité
Mer et littoral
Risques naturels
Impacts
Inondations
Submersions marines