Comment faire de la rue une alliée, face au changement climatique ?
Comment garder nos villes vivables, face aux canicules et inondations qui s’accentuent ? Comment préserver le confort des piétons, des cyclistes, aux heures les plus chaudes de l’été ? Alors que les rues couvrent entre 20 et 30% des villes, elles sont aujourd’hui des espaces clés pour s’adapter au changement climatique. Passage en revue des bonnes pratiques à déployer ou à tester.

Réduire la place de la voiture et végétaliser, pour rafraîchir les villes et limiter les inondations
C’est l’idée maîtresse : libérer les rues de l’emprise automobile, identifier de nouveaux espaces disponibles pour débitumer et végétaliser la voirie. Cela permet de rafraîchir l’air en cas de canicule et de limiter les inondations en cas de pluies intenses, en cherchant à infiltrer l’eau. Sans oublier tous les autres bénéfices : santé, amélioration du cadre de vie et de la biodiversité, développement des mobilités actives (marche, vélo).
Repenser la rue à l’aune du changement climatique est une opération complexe, qui nécessite de revoir le partage de ses différents usages et d’y organiser de nouvelles fonctions. Cela peut conduire à réviser le plan de circulation d’un quartier ou d’une ville. Où garder des axes structurants ? Où limiter le trafic de transit ? Quelles rues peuvent se transformer en « Zone 30 », « zones de rencontre », « aires piétonnes », en rues apaisées aux abords des écoles ? Un travail de dentelle est à mener par la collectivité, pour accompagner en douceur cette démotorisation, idéalement en concertation avec les habitants.
S’adapter au climat nous pousse à végétaliser la rue et à la rendre plus agréable pour tous : piétons, cyclistes, personnes âgées, enfants, etc. C’est positif et complexe de faire cohabiter tous ces usagers ! Nicolas Furmanek | Chef de projet Voirie et résilience, Cerema
Verdir le stationnement : saisir les opportunités de la loi
Plus encore que la voiture qui circule, le gros point noir, c’est l’emprise de son stationnement qui occupe jusqu’à 10 % de l’espace public dans les grands centre-villes (5 % pour les petites et moyennes villes). Souvent sombre (en asphalte, bitume...), le stationnement participe fortement à la surchauffe urbaine. Sans compter la présence des véhicules eux-mêmes, dont la carrosserie métallique souvent sombre aussi, aggrave le phénomène. La loi offre aux gestionnaires deux opportunités pour végétaliser et désimperméabiliser ces espaces.
Première possibilité, verdir les abords des passages piétons : pour sécuriser les passages piétons et améliorer la co-visibilité avec les usagers de la route, la Loi d’orientations des mobilités (2019) impose désormais de neutraliser les places de stationnement au moins 5 mètres en amont. Ce sont désormais au moins 10 m² de voirie, (équivalant à une place de voiture), qui peuvent être consacrés à la renaturation. Attention à maintenir une bonne visibilité, en plantant de la végétation basse ou des arbres à haute tige et en entretenant régulièrement ces espaces.
Seconde possibilité, verdir les parkings neufs ou de grande taille : vastes espaces ouverts, exposés au rayonnement solaire, les parkings contribuent fortement à la surchauffe urbaine, à l’imperméabilisation des surfaces et à la rupture des continuités écologiques. Face à ce constat, la Loi Climat-Résilience (2021) oblige désormais les parcs de stationnement de plus de 500 m² à installer des dispositifs d’ombrage (arbres, ombrières…) sur plus de la moitié de leur surface ainsi que des systèmes de gestion durable des eaux pluie. Idem pour les parkings neufs. (Lire sur ce sujet le guide du ministère).




Verdir les voies de tramway
Les plateformes de tramway occupent une part importante de la voirie. Les autorités organisatrices n'hésitent plus aujourd'hui à les végétaliser sur certaines sections, y compris aux abords. Une renaturation bien perçue des habitants d'autant qu'elle embellit le cadre de vie. Toutefois, la plantation d'arbres peut poser certaines contraintes de gestion à l'exploitant (entretien régulier pour éviter un contact avec la ligne électrique, les feuilles sur rails, le manque de visibilité...) .

Penser au confort usager et aux plus vulnérables pendant les canicules
Comment garder l’attractivité de la marche et du vélo aux heures d’été les plus chaudes ? Améliorer le confort des voyageurs qui attendent leur bus ou leur tram ? Pour ne pas pénaliser les mobilités actives pendant les canicules, des équipements complémentaires peuvent être installés de façon permanente ou provisoire, à des points stratégiques de l’espace public : ombrières, points d’eau, assises, mobiliers innovants…
Des parcours ou itinéraires fraîcheur peuvent être développés par les collectivités en lien avec les usagers pour favoriser les activités extérieures l’été. Tous ces dispositifs seront particulièrement utiles aux plus fragiles : jeunes enfants, femmes enceintes, personnes âgées ou précaires. Ils le seront aussi dans certaines villes dans le cadre de la promotion de leur activité touristique.


Infiltrer l’eau de pluie, en utilisant de nouvelles techniques
Soumise à des précipitations de plus en plus intenses, la voirie urbaine est particulièrement exposée aux risques d’inondation. Une rue inondée et c’est toute la circulation qui est coupée, avec parfois des risques de paralysie à l’échelle d’un quartier, voire, de la ville toute entière. Les responsables ? La forte imperméabilisation de la rue et les techniques traditionnelles d’assainissement qui visent à renvoyer l’eau de pluie vers les réseaux enterrés. Sous-dimensionnés, ces réseaux ont tendance à saturer et à refouler l’eau en surface.
Pour pallier ce phénomène, de nouvelles techniques de gestion pluviale se déploient au sein de la voirie : des dispositifs enterrés tels que des structures réservoirs, des tranchées ou puits d’infiltration, des solutions fondées sur la nature comme les noues, les jardins de pluie, les fosses de plantation d’arbres… de nouveaux revêtements, plus frais et perméables, sont aussi en cours de test et commencent à se développer en ville. Autant de solutions complémentaires ou alternatives aux réseaux existants à combiner pour renforcer l’effet d’infiltration et limiter les risques d’inondation.




Combiner ces solutions en tenant compte de la typologie des rues
Changer la rue, redistribuer les espaces pour en végétaliser certains, ne se fait pas en un clin d’œil. Dans les rues larges (boulevards, avenues…), il faudra attendre les opérations de requalification et de renouvellement pour planter des arbres, creuser des noues. La requalification du Cours Garibaldi à Lyon en est un exemple emblématique : c’est l’ensemble de la physionomie de la route qui a changé au profit d’une meilleure répartition des usages.
Dans les rues étroites, comme en cœur de ville, planter des arbres peut se révéler plus complexe. Des solutions frugales voire éphémères peuvent toutefois être mises en place : voiles d’ombrage accrochés de façade à façade ; plantes grimpantes ; micro-plantations florales en pied de façades ou en bordure de trottoir.

Veiller à préserver la sécurité et l’accessibilité des déplacements lors de la végétalisation
La végétation peut nuire à la co-visibilité entre usagers ou masquer les panneaux de signalisation. Mal entretenue, elle peut aussi gêner la circulation des plus vulnérables (personnes déficientes visuelles, âgées, à mobilité réduite, etc.). Bien choisir les essences d’arbres et leur emplacement est donc crucial.

50 solutions pour adapter les rues au changement climatique : le guide du Cerema
Transformer un parking en espace hybride pour piétons, déployer de nouveaux revêtements perméables, créer une place inondable, végétaliser les trottoirs… De Lyon à Tours, d'Aubervilliers à Miramas, le Cerema a recensé une cinquantaine d’initiatives inspirantes dans un guide destiné aux élus et aux acteurs locaux de l’aménagement urbain. Objectif : leur montrer des exemples concrets et duplicables. Chaque retour d’expérience est présenté sous forme d’une fiche qui détaille la démarche, les enjeux d’adaptation climatiques, ses avantages et son coût. A découvrir ici.