Renaturer les cours d’école : l’expérience de Libourne, en Gironde
La ville de Libourne, 25 000 habitants, a engagé une stratégie de renaturation depuis 2020. Objectifs : lutter contre les ilots de chaleur, remédier aux inondations et à la perte de la biodiversité. Parmi les espaces à désimperméabiliser, les cours d’écoles de la ville sont en première ligne. Deux d’entre elles ont été complètement transformées. D'autres suivront.
Fiche d’identité
Maître d’ouvrage
Ville de Libourne (25 598 habitants)
Maître d’œuvre
ATELIER CLAP (Creative Landscape Process), Paysagiste concepteur
Sites
École élémentaire du Sud
2020
27 % de la cour d’école désimperméabilisée et revégétalisée (585 m² sur 2 200 m²),
14 % de la surface de la cour avec des marquages d’animations (315 m²) afin de redistribuer les usages.
Coût total : 87 500 € de travaux et 9 600 € d’ingénierie-études, soit 108 €/m².
École élémentaire Jules Steeg
2022-2023
43 % de la cour d’école désimperméabilisé et revégétalisé (430 m² sur 1 120 m²),
Coût total : 110 000 €, soit 115 €/m² (travaux + ingénierie).
Revêtues d’enrobés noirs, les cours d’écoles libournaises pouvaient atteindre jusqu’à 45°C en température de l'air. Sans compter le fait que ce revêtement rend les sols imperméables et l’empêche de jouer son rôle en cas de pluies abondantes. Avec les eaux stagnantes, les pieds d’arbres se retrouvent asphyxiés, incapables d’infiltrer l’eau. Un vrai désastre. La ville s’est donc lancée dans un vaste plan de transformation de ses cours d’écoles dont l’école du Sud dès 2020 et plus récemment l’école Jules Steeg.
Des cours plus vertes à moindre coût
L’école du Sud a été désimpermeabilisée à hauteur de 27% de sa cour et ce sont près de 90 arbres qui ont été plantés. Dans la cour de l'école Jules Steeg, nature et fraîcheur sont au rendez-vous : désimperméabilisation de plus de 40% de la surface du sol, recouvert à des endroits par des copeaux de bois, plantation d’une cinquantaine d’arbres et d’arbustes d’espèces différentes (dont des arbres fruitiers), mise en place de potagers et de bosquets pédagogiques, etc. Les essences d’arbres ont été choisies par un bureau d'études paysagiste urbaniste, avec l’outil Sésame comme aide à la décision. Celui-ci permet de sélectionner une palette végétale adaptée à chaque milieu urbain.
Coût de l’opération : Une centaine d’euros au m². Un coût acceptable pour la ville d’autant plus que les financements sont là. « Ça fait plusieurs années que nos projets de végétalisation arrivent à obtenir parfois jusqu’à 60% de subventions. » souligne Thierry Marty, adjoint au Maire délégué à l’éducation. Dès la conception, la question du coût a été prise en compte. L’entretien a été intégré à celui du patrimoine naturel de la ville, le choix des aménagements réfléchi en conséquence. Tout ce travail a surtout été partagé avec les premiers intéressés.
De l’importance d’associer enfants, enseignants et parents
« Pour les deux écoles, nous avons travaillé en amont des travaux avec un paysagiste pour qui la concertation était très importante. Il a conçu des ateliers créatifs où parents, enfants, agents d’entretien des espaces verts et enseignants proposaient des idées pour le projet de végétalisation autour d’une maquette mobile et manipulable de l’école », précise Thierry Marty, heureux d’avoir vu cette opération menée avec la participation de tous les acteurs. Ces ateliers ont levé certains freins comme la crainte des parents que les enfants se salissent davantage ou se fassent mal. Ils ont permis à chacun de s’approprier le sujet. « Pour l’école Jules Steeg par exemple, les enfants ont demandé une cabane. Les concepteurs n’y auraient certainement pas pensé sans eux », note Pierre Ouallet.
Un nouvel espace de jeux et d’enseignement
Les enfants ont d’ailleurs très vite pris possession de cette nouvelle cour. Elle laisse plus de place aux jeux calmes et à une meilleure appropriation de la cour par les filles et les garçons. Pour les professeurs, la végétalisation est aussi une aubaine. Celle de disposer d’un outil pédagogique d’éducation à l’environnement sous les fenêtres de leurs salles de classe : nichoirs et mangeoires pour les oiseaux, hôtels à insectes, arbres fruitiers, potager... Autant de supports pour observer et apprendre sur la nature et la biodiversité. Certains professeurs n’hésitent plus à faire cours dans la cour !
Une évaluation pour objectiver les gains
Une cour rafraîchie, des enfants et des enseignants heureux. C’est ce que confirme l’étude menée par le Cerema un an après la fin de la renaturation de la cour. « Les relevés de température ont mis en évidence une amélioration nette des températures avec 2 à 4 degrés de moins dans la cour après travaux. Quand il y a des pics de chaleur, il y a carrément une différence de 6 degrés », s’enthousiasme Thierry Marty. Mais si aujourd’hui les gains sont réels, il est possible que dans quelques années, cela ne suffise pas. Car les modélisations montrent qu’en cas d’épisodes intenses avec des journées à plus de 40°C, les gains de fraîcheur s’effondrent. Et Pierre Ouallet de conclure : « il est important de refaire une évaluation dans 10 ans, quand les arbres se seront pleinement développés pour mesurer précisément les gains en fraicheur ».