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Face aux inondations, un cas d'école : le quartier Matra à Romorantin

Face à des phénomènes d’inondations qui s’amplifient, peut-on construire à proximité des cours d’eau, et à quelles conditions ? À Romorantin-Lanthenay dans le Loir-et-Cher, le maire et l’architecte ont fait le choix, il y a 10 ans, d’aménager un quartier inondable en plein centre-ville. Un projet osé, devenu emblématique.

Fiche d’identité

Territoire : 

  • Romorantin-Lanthenay (41), 18 115 habitants – Ancien site Matra  

Maîtrise d’ouvrage : 

  • Ville de Romorantin-Lanthenay, Immobilière Centre Loire (3F Jacques Gabriel), Aegide Nexity.

Maîtrise d’œuvre : 

  • Éric Daniel-Lacombe (architecte), Bernard Lassus (paysagiste).

Programme :

  • 50 logements collectifs, 10 logements individuels, 104 logements en résidence seniors, 8 logements en bande, routes et jardins.

Coût total : 

  • 21 500 000 euros HT (construction des édifices), 2 500 000 euros HT (parc), 3 000 000 euros HT (voirie et réseaux divers).

Ce quartier a reçu le grand prix d’aménagement 2015 : « Comment mieux bâtir en terrains inondables constructibles »

" Après la fermeture des usines Matra en 2003, dramatique pour la commune, la volonté du maire et de l’équipe municipale était de redonner vie à ce site de 6 hectares, en créant un nouveau quartier d’habitations ", explique Nicole Roger, 1re Adjointe au Maire et 1re Vice-Présidente en charge de l’urbanisme à la Communauté de communes du Romorantinais et du Monestois. Sauf qu’il faut aussi faire avec la Sauldre, l’affluent du Cher tout proche. La zone est particulièrement exposée au risque d’inondation. 

Le dialogue qui s’instaure alors entre le maire Jeanny Lorgeoux, l’architecte Éric Daniel-Lacombe retenu pour le projet et les services de l’Etat, permettra d’aboutir à un projet adapté aux contraintes du site. Seuls 20 % de la surface seront bâtis et le reste rendu à la rivière et à ses régulations naturelles.

Des mesures architecturales et techniques innovantes

Le programme prévoit la construction d’une centaine de logements, sociaux pour l’essentiel, et l’aménagement d’une salle polyvalente dans l’ancienne fabrique de l’usine. Pour intégrer pleinement le risque d’inondation, le quartier est conçu comme un " affluent temporaire " de la Sauldre. Son tracé épouse celui du cours d’eau et respecte les sens d’écoulement. Tout y est parallèle (rues, bâtiments, jardins) jusqu’aux immeubles en bord de rivière qui prennent la forme de " bateaux-lavoirs ". L’ensemble s’organise autour d’un vaste parc public et d’un bassin de rétention. 

Autre particularité : les bâtiments eux-mêmes ont été conçus pour laisser l’eau circuler librement. Le sous-sol de l’ancienne fabrique est équipé d’un système de clapets qui s’ouvrent en cas de crue. Pour protéger les parties habitables, les logements ont été surélevés, tout comme les trottoirs et voies d’accès, de sorte que les habitants puissent sortir de chez eux sans être pris au piège. 

À l’épreuve de la crue " millénale " de 2016

" L’État avait anticipé une crue de 1,20 m, en se fondant sur la crue centennale de 1910. Le Maire a ajouté 30 cm, par précaution. Et bien lui en a pris ", confie Philippe Seguin, 8e adjoint au maire, en charge des services techniques, de la sécurité, des finances et des budgets. Car à peine les premiers résidents installés en mai 2016, Romorantin subissait la plus grosse crue de son histoire. Seul quartier épargné : le quartier Matra. 

" Alors que le quartier voisin du Bourgeau était noyé sous 1,50 m d’eau, que des centaines d’habitants étaient évacués et des commerces détruits dans le centre-ville, l’eau s’est arrêtée à quelques centimètres des planchers d’habitations du quartier Matra " témoigne Philippe Seguin, alors commandant des opérations de secours. " Quand les risques d’embâcles sont limités et que l’eau circule sans obstacle, ça change tout ". 

Autre fait notable : l’eau s’est évacuée en 24 heures, contre plus de deux semaines dans le reste de la ville, avec à la clé des dégâts bien moindres.

Depuis 2016, faire " avec " et pas " contre " la rivière

Le projet ayant largement démontré sa résilience aux crues, un second " bateau-lavoir " a été construit et une ancienne chaufferie transformée en bar au bord de l’eau. " Le quartier entier s’est transformé, pour le plus grand plaisir des Romorantinais qui profitent d’espaces de nature en cœur de Ville ", explique Nicole Roger. Mais il y a aussi eu un après 2016 : " Au-delà du renforcement de notre Politique de prévention des risques d’inondation, les partis-pris du quartier Matra ont inspiré d’autres projets, comme la restauration de la MJC, endommagée par la crue. Les façades du rez-de-chaussée ont été modifiées pour faciliter le passage de l’eau ". 

La renommée du projet traverse aussi les frontières, notamment via son architecte Éric Daniel-Lacombe. L’aménagement de Matra était son premier fait d’arme. Il est désormais reconnu comme l’un des meilleurs spécialistes de la construction en zone inondable.

Thématique
Risques naturels
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Impacts
Inondations