RÉSUMÉ
Source : d'après la présenation du projet sur le site de l'ANR
L’étude de l’adaptation des espèces à leur milieu lors de périodes données peut nous renseigner sur l’existence de mécanismes d’adaptation spécifiques mis en oeuvre lors de changements rapides des pressions environnementales. L’émergence de l’agriculture a probablement été l’un des changements les plus importants dans l’histoire de l’homme. Le passage d’un mode de vie basé sur la chasse et la cueillette à un mode de vie sédentaire, induisant une augmentation des densités de populations des premiers agriculteurs et modifiant leurs environnements chimiques, nutritionnels et pathogéniques, a conduit à de nouvelles pressions de sélection. Cependant, les mécanismes, l’étendue et la rapidité de l’adaptation à ces nouveaux environnements restent encore méconnus. En effet, même si certains concepts généraux relatifs aux mécanismes d’adaptation biologique commencent à émerger, comme l’importance des formes de sélection positive autres que les balayages sélectifs «classiques», les rôles respectifs des différents modèles de sélection restent mal compris. Le projet AGRHUM s’inscrit dans cette perspective et vise à accroitre notre compréhension des processus d’adaptation à l’œuvre lors d’une modification rapide de l’environnement. L’objectif est également de développer de nouveaux outils méthodologiques qui permettront à terme d’aborder cette question pour d’autres espèces animales ou végétales. Pour ce faire, nous utiliserons l’espèce humaine comme modèle, afin d’évaluer l’impact de la transition «chasseur-cueilleur» vers «agriculteur» sur les mécanismes de sélection et adaptation à ce changement majeur et relativement récent. L’étude portera sur l’Afrique centrale, une région abritant à la fois les plus grandes populations de chasseurs-cueilleurs et des populations sédentaires qui pratiquent l’agriculture depuis ~5000 ans. Nous séquencerons l’exome complet d’un large panel d’individus de différentes populations de chasseurs-cueilleurs et d’agriculteurs. L’analyse de ces données nous permettra dans un premier temps de déterminer les conséquences de l’histoire démographique et du mode de vie sur l’efficacité de la sélection purificatrice (élimination des mutations délétères ou faiblement délétères). En parallèle, nous développerons de nouvelles approches afin de déterminer la contribution des différents mécanismes d’adaptation biologique à l’environnement, ce qui comprend les modèles classiques de sélection positive, mais aussi les modèles alternatifs comme l’adaptation polygénique, la sélection d’allèles préexistants devenant avantageux (standing variation) ou l’introgression adaptative. L’analyse conjointe de ces résultats avec les estimations des dates auxquelles les variants délétères ou adaptatifs sont apparus, nous permettra d’évaluer comment ces changements rapides d’environnement ont influencé la valeur adaptative et l’efficacité de la sélection. L’originalité de ce projet réside dans le fait qu’il propose de caractériser l’impact d’un changement rapide d’environnement sur le génome, en associant des techniques de séquençage à forte couverture, à une analyse bioinformatique de pointe et au développement de méthodes statistiques ad-hoc. En utilisant le paradigme humain, le projet AGRHUM nous permettra de mieux comprendre les mécanismes à la base de l’adaptation, ou de la «maladaptation», des espèces aux changements environnementaux brusques. En outre, il fournira de nouveaux outils méthodologiques pour l’étude des différentes formes d’adaptation génétique, applicables à d’autres espèces. Enfin, la collaboration entre les équipes de Lluis Quintana-Murci, Michael Blum et Frédéric Austerlitz, d’expertises différentes mais complémentaires, permettra la mise en commun de ressources (programmes informatiques et données) et connaissances (méthodes d’analyses statistiques) nécessaires au succès de ce projet.