Prévention feux de forêt : Langlade, une défense collective exemplaire
Dans le Gard, cette commune de 2 300 habitants est parvenue à créer une ceinture de 7 kilomètres pour se protéger des incendies, en débroussaillant les zones à risque. Une réussite qui repose sur l’engagement citoyen et le soutien de la collectivité. Une approche collective inspirante, face à l’intensification du risque en France, liée au changement climatique.
Fiche d’identité
Territoire :
- Commune de Langlade, Gard
Population :
- 2300 habitants
Superficie :
- 900 hectares, dont 450 d'espaces naturels
Adhérents à l'ULPI :
- 180 foyers
Ceinture de protection :
- 7 km de long, 50 à 100 mètres de large (40 hectares)
Propriétaires concernés
- 98 propriétaires d'espaces naturels/150 riverains assujettis aux obligations légales de débroussaillement
Entretien annuel :
- 15 hectares (commune) / 5 hectares (ULPI)
Site : https://www.ulpi-gard.fr/
Contact : gard.ulpi@gmail.com
Les Obligations légales de débroussaillement (OLD), un levier de défense crucial à mobiliser
En zone à risque, la loi impose à chaque propriétaire de débroussailler sa propriété sur 50 mètres autour de son habitation (extensible à 100 mètres), même si cette distance dépasse les limites de la propriété. Le propriétaire peut donc être amené à intervenir sur des parcelles voisines non bâties pour respecter le périmètre réglementaire. En zone urbaine : l'obligation porte sur l'ensemble de la parcelle, y compris les parcelles voisines constituées d'espaces naturels lorsque le périmètre de 50 mètres les englobe. Cette mesure, difficile à faire appliquer individuellement, suffit pourtant dans 80 à 90 % des cas à assurer la sécurité des personnes et des habitations.
Lire aussi notre dossier Feux de forêt et la FAQ de l'AMF sur les OLD.

« Nous sommes l’un des massifs les plus à risque du département », déclare Alain Viala, 1er adjoint au maire de Langlade et président du syndicat de la Défense de la forêt contre l'incendie (DFCI). Face au risque de feu accru en Méditerranée, la petite commune près de Nîmes a de la chance : elle peut compter sur l’engagement sans faille de ses habitants.
Une prise de conscience précoce
Le point de départ ? En 1983, deux départs de feu menacent les habitations. Aucun dommage, mais l’alerte suffit. Les habitants créent alors une association, l'Union langladoise de prévention incendie (ULPI), autour d’un objectif central : créer une zone dégagée, un espace tampon, à l’interface habitat-forêt, entre les constructions et le massif. Cette ceinture de protection s’étend sur 7 kilomètres et une bande large de 50 à 100 mètres, tout autour du village. Le principe ? Maintenir cet espace ouvert, sans broussailles et avec peu d'arbres, pour réduire la masse combustible et ainsi freiner toute progression du feu vers les habitations.
Simple sur le papier, l’idée s’avère complexe à mettre en œuvre. Les terrains concernés sont des espaces naturels non constructibles. Selon la réglementation, c’est aux propriétaires riverains de les débroussailler : « déjà c’est compliqué de débroussailler son terrain : ça coûte cher et ça repousse très vite. Là, en plus, il faut faire celui du voisin ! », explique Michel Delay, président de l’ULPI. Pour libérer les 150 riverains de cette obligation contraignante, l'association a obtenu leur mandat d'intervention. Elle a ensuite convaincu les 98 propriétaires d'espaces naturels de la laisser agir sur leurs terrains.
40 hectares à entretenir collectivement
Restait à trouver les financements, « le nerf de la guerre ». L’opération s’est auto-financée grâce à la revente des arbres à des entreprises locales de plaquettes bois, complétée des aides de l’entreprise Nestlé. Un partenariat que la mairie a contribué à établir, la source Perrier étant en partie située sur la commune : « si la forêt brûle, les micro-particules dans le sol et les produits retardants risquent de polluer la nappe », explique le premier adjoint. Entre 2019 et 2023, la moitié des arbres de cette ceinture a été coupée, sous contrôle de l'Office national des forêts (ONF), soit environ 3000.
L'entretien permanent de ces 40 hectares nécessite une organisation rigoureuse et une répartition des tâches : la mairie réalise chaque année 15 hectares de débroussaillement mécanique, tandis que l'ULPI gère environ 5 hectares par an sur une dizaine de chantiers bénévoles annuels.
Au-delà des travaux, diffuser une culture du risque
Tout l’été, des bénévoles se relaient pour assurer des rondes de surveillance. Le but ? Détecter d'éventuels départs de feu, mais surtout sensibiliser la population aux comportements à risque. Un enjeu majeur quand on sait que 9 feux sur 10 sont d'origine humaine, dont la moitié par imprudence (à cause d'un barbecue, d'un mégot ou d'une étincelle). À la rentrée, l'association prévoit d’intervenir dans les écoles pour diffuser une culture du risque dès le plus jeune âge. « Un collectif qui s'investit en continu, c'est fondamental pour se protéger contre les feux de forêt », pour le président de l'association.
Le soutien de la collectivité, une condition indispensable
« Sans l'appui de la mairie, on ne pourrait pas agir », insiste-t-il. L’équipe municipale de Langlade a saisi tout l'intérêt de cette mobilisation citoyenne. Responsable du contrôle des obligations légales de débroussaillement, le maire se heurte à leur mauvaise application individuelle. Sans hésiter, la mairie de Langlade a donc accordé à l’association les autorisations nécessaires et s’est engagée à ses côtés. Elle veille à prévenir chaque nouvel arrivant de ses obligations de débroussaillement.
La coupe des arbres suscite parfois des résistances écologiques. Cela nuit aux espèces, alertent certaines associations d'environnement. Alain Viala voit les choses d'un autre œil : « limiter le feu les protège au contraire. Dans l'Aude, à la mi-juillet 2025, il y a eu des millions de pertes animales à cause d'un feu » [NDLR, estimées à 10 millions sur 570 hectares brûlés d'après l'association Wany the Pooh]. D'ailleurs, « les quelques habitants qui se sont un peu opposés lors des travaux ont changé d'avis ». Aujourd'hui, 180 foyers adhèrent à l’association sur les 2 300 habitants de la commune.
Une commune voisine a refusé de soutenir une telle initiative : plus de 380 hectares de forêt y ont brûlé récemment. « Chez nous, la ceinture devrait suffire à stopper le feu. En cas de mégafeu, il sera au moins ralenti et on aura le temps d'évacuer », précise l’association. Depuis sa création, aucun incendie ne s'est approché de Langlade.