Dérèglement climatique : l’urgence à s’adapter pour les entreprises
Les impacts du changement climatique se font déjà sentir à tous les niveaux dans certaines entreprises françaises. Inondations, incendies, vagues de chaleur, sécheresses bouleversent les chaînes de valeur. Les entreprises doivent anticiper et s’adapter pour s’assurer qu’elles pourront absorber ces chocs.

Des impacts de plus en plus forts pour les entreprises
La chaîne de valeur est mise à rude épreuve. Le niveau actuel de réchauffement mondial à +1,1°C est déjà synonyme de répercussions économiques importantes. Raréfaction des matières premières en raison de la hausse des températures, dégradation d’usines et de magasins, perturbation des transports, liées à des événements extrêmes, des pluies de plus en plus fréquentes... Les aléas climatiques peuvent impacter toute la chaîne de valeur de l’entreprise : sa chaîne d’approvisionnement, sa rentabilité, son modèle d’affaire.
Les conséquences vont au-delà de nos frontières, notamment dans les zones de production et de vente. Si tous les secteurs sont touchés, certains en subissent davantage les effets. L’agriculture bien sûr, mais aussi l’énergie, le textile, la grande distribution, le tourisme, ou encore le bâtiment. Illustrations :
- L’agroalimentaire est fortement impacté par la qualité et quantité d’eau disponible, la hausse des prix des matières premières ou leur raréfaction. La papeterie ou la production de bois est aussi fortement dépendante de la disponibilité en eau.
- Dans le nucléaire, les vagues de chaleur causent des arrêts de production. Le manque d'eau peut imposer d'arrêter des processus qui en sont grands consommateurs.
- Dans les transports, les routes, les ponts et les rails subissent des dommages thermiques. Inondations et tempêtes perturbent le trafic.
- Le tourisme est lui aussi touché par les inondations et tempêtes qui détruisent les infrastructures. Les vagues de chaleur modifient les usages des touristes, découragent certaines visites ou à l’inverse rendent attractifs de nouveaux territoires plus frais.
- Pour la pêche : la hausse des températures et l’acidification des eaux dégradent les écosystèmes marins et la chaîne alimentaire.
Menaces pour la santé des travailleurs et la productivité
La hausse des températures augmente la pénibilité du travail, les risques psychosociaux (tensions, altération de la vigilance) et chimiques (inhalation de substances volatiles). L’impact sur le bien-être des équipes de travail peut engendrer une baisse de la productivité. 22 à 37 milliards d’euros : tel est le coût estimé des canicules en frais médicaux, ralentissement de l’activité économique et « perte de bien-être » entre 2015 et 2020, selon Santé Publique France.
Télécharger : les avis et recommandations ANSES sur la santé des travailleurs 2018.
Intégrer le risque climatique dans sa stratégie devient une nécessité
Cette préoccupation est récente chez les entreprises, alors que le secteur public structure depuis une vingtaine d'années une stratégie d'adaptation nationale. Face au changement climatique, la priorité était de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Aujourd’hui, les risques sont suffisamment palpables pour faire bouger les lignes.
Investisseurs et entreprise prennent conscience des risques encourus et du coût de l’inaction. Poussées par le marché, mais aussi les salariés, les entreprises sont en pleine mue. La nouvelle législation européenne devrait accélérer leur transformation, en imposant, du moins aux plus grandes d’entre-elles, des obligations de reporting plus fortes en ce qui concerne leurs efforts d’atténuation du changement climatique et d’adaptation.
Les TPE et PME manifestent un fort besoin d’accompagnement. En effet, si certaines grandes entreprises ont déjà déployé des plans et stratégies d’adaptation, ces mesures restent plus marginales pour les TPE et PME. 82% d’entre elles pensent être un jour affectées par le changement climatique, mais 54% ne s’estiment pas prêtes à en affronter les effets. La plupart de ces entreprises n’ont ni les connaissances, ni les ressources pour se prévenir de ces risques et se projeter dans 10, 20 ou 30 ans. (Source : Etude Goodwill-management/la MAIF, 2022, les risques climatiques qui pèsent sur les TPE et PME)
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Anticiper le dérèglement climatique : désormais, les entreprises doivent apprendre à vivre avec cette réalité. C’est devenu un enjeu stratégique, ancré dans le présent.
François Boisleux | coordinateur adaptation changement climatique - entreprises, ADEME
S’adapter n’est pas renoncer : il faut continuer à limiter le plus possible la hausse du réchauffement climatique
Parler d’adaptation, ce n’est pas abandonner la lutte pour atténuer le réchauffement climatique. Celle-ci doit rester une priorité. Le réchauffement de la terre est encore entre nos mains puisque nous en sommes la cause. Ce sont nos émissions de gaz à effet de serre qui font augmenter la température sur terre. Les deux actions, adaptation et atténuation sont donc nécessaires et complémentaires. Les deux faces d’une même pièce. Comme le résumait le climatologue italien Filippo Giorgi il s’agit de « gérer l’inévitable, éviter l’ingérable ».
Atteindre la neutralité carbone en 2050
Pour stabiliser le réchauffement climatique, il faut donc au minimum arriver à la « neutralité carbone » à échéance désormais rapprochée, c’est-à-dire ne pas émettre plus de gaz carbonique que ce que nous sommes capables d’absorber par des activités humaines visant notamment à renforcer les puits de carbone (sols, forêts, produits bois, zones humides…).
La France s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 pour respecter l’objectif de l’Accord de Paris signé en 2015 : limite la hausse du réchauffement planétaire à 1,5 °C par rapport à l’ère industrielle. La deuxième Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) adoptée en 2020 détaille sa feuille de route.
Décarboner l’économie
Chaque degré de température supplémentaire compte. Notre monde d’aujourd’hui, à +1°C n’est pas le même que celui à +0.9°C des années 2000. on le sent bien. Le monde futur à +1,5°C, +2°C ou 3° ne sera pas celui d’aujourd’hui.
Il est donc indispensable pour les entreprises de participer à cet effort global de réduction de leurs émissions de GES, en parallèle d’actions d’adaptation : au-delà d’un certain seuil il ne sera plus possible de s’adapter au changement climatique tant le climat sera déréglé.
Les outils pour décarboner :
- Réaliser un diagnostic carbone en faisant appel à l’ADEME et la BPI (banque publique d’investissement).
- Déployer la méthode ACT : internationalement reconnue, cette méthode de l’ADEME permet aux entreprises d’évaluer la maturité de leur stratégie décarbonation au regard des ambitions de l’Accord de Paris et de mettre en place un modèle d’affaires décarboné.
Rejoindre la Convention des entreprises pour le climat
La Convention des entreprises pour le Climat (CEC), c’est un collectif de 150 dirigeants-citoyens qui s’engagent de manière solennelle dans une démarche de réflexion, en relais de la Convention Citoyenne pour le Climat en 2020. L’association d’intérêt général organise des parcours de prise de conscience et de transformation pour décideurs économiques. Depuis, de nouvelles Conventions se lancent actuellement partout en France. N'hésitez pas à les rejoindre!